Les enjeux de l’engagement missionnaire des couples

3 mai 2016

Pourquoi la mobilisation de couples dans l’Evangélisation apparait-elle aujourd’hui d’une si grande importance  ?

Les enjeux ecclésiaux et sociétaux d’une évangélisation de l’amour, de la sexualité, du couple et de la famille sont majeurs, en raison de la crise si profonde, si générale et si déstabilisante de la société sur ces sujets en occident, et, comme par écho, dans le monde entier en raison de la domination de son modèle social et économique.

Or, face à ce véritable «  tsunami  » humain et social, beaucoup de couples catholiques prennent d’autant plus conscience qu’il est devenu important aujourd’hui d’assumer avec joie, sans complexe ni arrogance, leurs différences par rapport à la société environnante en matière de mariage et de famille. Plus encore, nous percevons le désir de nombre de ces couples de partager à d’autres les bénéfices de vie, d’amour, de joie que leur procure une vie conjugale et familiale fondée sur le Christ : faire grandir son couple dans la durée et dépasser ses crises pour qu’il grandisse  ; puiser en Dieu lui-même ses dons pour aimer et se donner  ; vivre une sexualité belle et durable, tout en se gardant de l’érotisme ambiant  ; être ouvert à la vie tout en exerçant une paternité et une maternité responsables  ; savoir traverser ensemble avec foi et espérance les inévitables épreuves de la vie  ; sécuriser les enfants dans un environnement stable et aimant, faire de sa famille un noyau solide mais aussi ouvert et accueillant  ; etc.

Bref  ! Témoigner des œuvres uniques et si bienfaisantes du Christ dans le mariage et la famille, car elles correspondent aujourd’hui à l’attente intime de chaque homme et de chaque femme, croyant ou incroyant, baptisé ou non  ; c’est pourquoi le Synode de 2015 affirme que «  l’annonce doit faire connaître par l’expérience que l’Évangile de la famille est une réponse aux attentes les plus profondes de la personne humaine  ».

La société actuelle n’apporte-t-elle donc aucune réponse pertinente à la crise du mariage et de la famille  ?

Ses réponses ne sont pas à la mesure de la gravité de la crise : certes, nos sociétés héritières de la culture judéo-chrétienne ont retenu des valeurs comme le respect de la personne humaine, l’importance du libre arbitre ou encore les droits fondamentaux de chaque individu. Nous pouvons aussi relever les bénéfices certains de la pensée contemporaine et des sciences humaines, en terme d’égalité homme-femme, ou de compréhension des mécanismes psychologiques complexes de l’affectivité ou de la sexualité. Cependant, nos sociétés, à travers la culture ambiante et les idéologies dominantes, n’apportent bien souvent que des réponses superficielles, voire erronées, et au mieux très partielles face à cette crise profonde et dévastatrice.

L’élan missionnaire du couple et de la famille chrétienne a pour objectif d’apporter une réponse cohérente et pertinente face à cette crise. L’Evangile du couple et de la famille en redevient donc d’autant plus attractif et crédible, notamment pour les nouvelles générations moins idéologisées par l’anticléricalisme  ; le monde attend en fait cet Evangile car «  secrètement, il nous envie  » disait Jean-Paul II. C’est pourquoi, le dernier Synode souligne combien les couples chrétiens eux-mêmes doivent avoir le courage de le prêcher de manière vivante et crédible, de témoigner explicitement de ce trésor de vie irremplaçable, quitte à être parfois «  signe de contradiction  », tout en fuyant l’arrogance ou le prosélytisme. Maris et femmes, certes très imparfaits, mais ayant fait cette expérience salutaire de la foi dans leur mariage, sont les missionnaires les plus crédibles de cet Evangile. Parce qu’ils en font d’abord l’expérience commune. Parce qu’ils sont mandatés par le Christ du fait de leur sacrement de mariage, ces couples sont appelés eux-mêmes à devenir des «  ministres  » (dit le Synode) de l’annonce de cette Bonne Nouvelle.

Selon vous, cette finalité évangélisatrice de l’engagement des baptisés, et donc des couples, n’est pas toujours bien comprise  ?

Le pape François estime lui-même qu’il est urgent de clarifier dans l’Eglise ce qu’est où n’est pas l’évangélisation et de simplifier l’annonce pour revenir au cœur du message chrétien : «  Jésus t’aime et t’a sauvé  !  » Nous avons rappelé que le pape François insiste beaucoup sur le fait que «  la première annonce ou “kérygme” a un rôle fondamental qui doit revenir au centre de l’activité évangélisatrice et de tout objectif de renouveau ecclésial  ». Or, combien de laïcs dans nos diocèses et nos paroisses savent annoncer et témoigner de manière claire et naturelle, pertinente et attractive ce kérygme  ?... Don Piggi, le fondateur des Cellules d’Evangélisation, souligne que bon nombre de baptisés pratiquants témoignent essentiellement «  de la culture ou des valeurs chrétiennes  », et non du «  désir ardent de rejoindre chaque cœur et de lui proposer le Salut  »   ; alors, constate-t-il, «  nos communautés continuent à se réduire et à s’épuiser, et ont de grandes difficultés à évangéliser  ».

Mais ce n’est pas là une fatalité, au contraire, car cette mutation peut être rapide comme le constate le pape : «  si le baptisé a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer  ». Il n’en reste pas moins qu’un effort particulier doit être entrepris pour former les chrétiens à la première annonce, ce dont nous avons perdu l’habitude en occident car la transmission de la foi s’est opérée naturellement durant des siècles de génération en génération. Pour développer ce ministère de couple missionnaire, cette formation nous semble donc indispensable, mais elle peut être rapide et porter beaucoup de fruits. Croyez-en notre expérience depuis des années : en 3 jours, en 3 mois, en 3 ans, ce peut être ‘plié’ si le couple fait une profonde expérience du Salut dans sa propre vie, ce qui va déployer son désir profond d’évangéliser, comme un débordement  !

Certes, toute la vie de couple est une maturation et une mise en œuvre progressive de cet appel, mais le point de départ déterminant, c’est cette expérience fondatrice de l’œuvre de Dieu dans le couple. Cela peut se vivre dans de multiples lieux d’Eglise où l’Esprit-Saint est à l’œuvre, et c’est notamment ce que nous essayons aussi de vivre lors de nos sessions d’été à la Communion Priscille & Aquila.